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De très grands vents...

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Puisque cette année s'achève, qu'elle fut la plus chaude de son temps, marquée de sécheresses de toutes sortes, comme de toutes sortes d'incendies, il fallait bien en appeler à Saint John Perse, cet écrivain un peu oublié de nos écoles, pour nous parler des très grands vents ....

"C'étaient des très grands vents venus sur toutes faces de ce monde;

De très grands vents en liesse par le monde, qui n'avaient d'aire ni gîte,

Qui n'avaient garde ni mesure, et nous laissaient hommes de pailles,

En l'an de paille sur leur erre.... Ah ! oui, des très grands vents sur toutes face de vivants !

Flairant la pourpre, le cilice, flairant l'ivoire et le tesson, flairant le monde entier des choses,

Et qui couraient à leur office sur nos plus grands versets d'athlètes, de poètes,

C'étaient de très grands vents en quête sur toutes pistes de ce monde,

Sur toutes choses périssables, sur toutes choses saisissables, parmi le monde entier des choses...

Et d'éventer l'usure et la sécheresse au coeur des hommes investis,

Voici qu'ils produisaient ce goût de paille et d'aromates, sur toutes places de nos villes,

Comme au soulèvement des grandes dalles publiques.

Et le coeur nous levait

Aux bouches mortes des Offices. Et le dieu refluait des grands ouvrages de l'esprit.

Car tout un siècle s'ébruitait dans la sécheresse de sa paille, parmi d'étranges désinences : à bout de cosses, de siliques, à bout de choses frémissantes,

Comme un grand arbre sous ses hardes et ses haillons de l'autre hiver, portant livrée de l'année morte;

Très grand arbre mendiant qui a fripé son patrimoine, face brûlée d'amour et de violence où le désir encore va chanter.

"Ô toi, désir, qui va chanter..." Et ne voilà t'il pas déjà toute ma page elle même bruissante,

Comme ce grand arbre de magie sous sa pouillerie d'hiver : vain de son lot d'icones, de fétiches,

Berçant dépouilles et spectres de locustes; léguant, liant au vent du ciel filiales d'ailes et d'essaims, lais et relais du plus haut verbe -

Ah ! très grand arbre du langage peuplé d'oracles, de maximes et murmurant murmure d'aveugle-né dans les quinconces du savoir.."

Alexis Leger, dit Saint-John Perse, né le 31 mai 1887 à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe et mort le 20 septembre 1975 à Hyères dans le Var, est un écrivain et diplomate français, lauréat du prix Nobel de littérature en 1960.